S

METTRE DIEU AU CENTRE
Paroles de Benoît XVI à l’Eglise qui est en Suisse

SOMMAIRE


Préface

Mgr Kurt Koch


Dans la lettre à la Communauté de Galatie, Paul raconte s’être rendu à Jérusalem, trois ans après son appel à l’apostolat, « pour consulter Céphas », et y avoir demeuré pendant quinze jours (Gal 1,18). Dans cette information, nous pouvons voir la première trace biblique d’un usage en vigueur depuis le 4ème siècle : les visites au Saint-Père et à ses collaborateurs de la Curie Romaine, que les évêques d’un pays ou d’une région accomplissent périodiquement environ tous les cinq ans.

Le nom officiel donné à ces visites est Visitatio ad limina Apostolorum. Cette dénomination indique leur caractère fondamentalement religieux. Leur signification originale, encore aujourd’hui primaire, est d’être un pèlerinage des évêques aux tombeaux des princes des apôtres, Pierre et Paul. Au centre de la visite ad limina, il y a ainsi les concélébrations eucharistiques sur les tombeaux de Saint Pierre et de Saint Paul. Si possible, d’autres messes sont célébrées dans les autres églises patriarcales de Rome, comme Saint-Jean de Latran et Sainte-Marie-Majeure.

Un deuxième élément caractérisant la visite ad limina est constitué par l’audience plénière avec le Saint-Père, qui s’adresse avec une allocution aux évêques conviés, et surtout par la rencontre individuelle de chaque évêque avec le Saint-Père, comme il est prévu dans le « Directoire pour la visite ad limina » : « chaque évêque rencontre le successeur de Pierre pour un entretien personnel ». Le fait que le Pape, dans l’exercice de son ministère pastoral universel, rencontre personnellement chaque évêque ne représente pas seulement une belle modalité de s’exprimer, mais aussi un renforcement visible du lien mutuel entre les Eglises particulières éparses dans le monde et l’Eglise universelle, ainsi qu’un renforcement de la collégialité entre les évêques diocésains et l’Evêque de Rome, à qui a été confié le soin de l’Eglise et à qui revient le « primat de l’amour », selon la définition donnée par Saint Ignace d’Antioche pour la chaire de l’Evêque de Rome.

Préparant la visite ad limina, l’évêque diocésain rédige un rapport dit quinquennal, où il rend compte des développements survenus dans son diocèse depuis la dernière Visitatio. Ce rapport constitue la base des rencontres et des consultations avec les différentes congrégations, conseils pontificaux et autres bureaux romains visités individuellement par les évêques.

Ceci dit, la visite ad limina des évêques suisses du 7 au 9 novembre 2006 ne s’est pas déroulée sous cette forme habituelle. La raison en est que nous, évêques suisses, avions déjà entamé notre visite ad limina début février 2005, visite demeurée incomplète, puisque le Pape Jean-Paul II dut être hospitalisé le soir même de notre arrivée à Rome. A cause du progrès rapide et douloureux de sa maladie, qui amena au décès du Saint-Père en avril 2005, il ne fut plus possible de le rencontrer.

Aux débuts de son ministère, le nouveau Pape Benoît XVI exprima le désir que nous, évêques suisses, complétions la visite ad limina ainsi interrompue. Pour pouvoir nous entretenir avec lui au sujet de différentes questions portant sur les diocèses suisses, le Pape nous convia à Rome du 7 au 9 novembre 2006 pour trois journées de discussion approfondie. Cette fois, ce n’est pas nous qui avons visité les dicastères romains mais ce sont les cardinaux-préfets des congrégations les plus importantes à nous avoir rencontrés, pendant trois jours de réunions intenses et riches sur différents problèmes de l’Eglise en Suisse. Ces entretiens se sont déroulés dans une atmosphère fraternelle et dans un esprit de collégialité épiscopale. Selon les évêques suisses, cette forme de visite ad limina a eu le grand avantage de promouvoir une meilleure connaissance et compréhension réciproques, contribuant à harmoniser la pluralité des Eglises particulières avec l’unité de l’Eglise universelle, si bien que – comme le Pape Benoît XVI lui-même l’a noté – « l’Eglise locale vit son authenticité et en même temps la donne à l’Eglise universelle, afin que les deux donnent et reçoivent et ainsi grandisse l’unique Eglise du Seigneur ».

En ces jours-là, nous avons pu rencontrer trois fois le Pape Benoît XVI. La visite ad limina s’est ouverte avec une concélébration eucharistique avec lui. Dans l’homélie, le Saint-Père a proposé une réflexion profonde sur l’histoire de Dieu avec les hommes et a mis en évidence que cette histoire fait face à des insuccès continuels, mais que d’autre part Dieu trouve toujours de nouvelles voies et possibilités en vue d’une plus grande miséricorde. De cette façon, en fin de compte, Dieu n’échoue pas.

Au début et à la conclusion de nos travaux, le Saint-Père nous a offert deux allocutions où il a touché aux questions et aux problèmes qui préoccupent actuellement nos Eglises : la transmission de la foi, la catéchèse et la formation théologique, la liturgie, le ministère épiscopal et les grandes questions morales. Dans ses réflexions, il a souvent souhaité que l’on retrouve dans la vie de l’Eglise cette « centralité de Dieu » qui « doit apparaître de façon complètement nouvelle dans toute notre façon de penser et d’agir ».

Par ses allocutions théologiquement ancrées et profondément spirituelles, le Pape Benoît nous a indiqué avec clarté que tout discours dans et sur l’Eglise doit être intégré et subordonné au discours de et surtout avec Dieu. Les rappels à la foi n’ont d’autre but que celui de « rendre plus clair à notre vue le visage de Dieu ». Ainsi, le Pape Benoît, dans sa prévenante humilité et cordiale gentillesse, a montré son souci pastoral pour l’Eglise en Suisse, en accomplissant la tâche qui lui a été confiée par le Christ, « confirme tes frères ! », de façon très sympathique.

« Qui ne donne pas Dieu, donne trop peu ». Cette devise souvent citée par le Saint-Père a eu un écho aussi chez nous, évêques suisses. Elle nous a donné une vision accomplie du mystère du Dieu Trinitaire et un enthousiasme renouvelé pour la foi et le ministère épiscopal. Son homélie et ses deux allocutions sont documentées et commentées dans cette publication. En fait, elles « n’appartiennent » pas seulement à nous, évêques suisses, mais à toutes les Eglises locales qui nous ont été confiées. Je suis heureux que ces textes solides du Saint-Père, pourvus de différents commentaires, soient aujourd’hui accessibles à un public plus vaste.

Je formule mes vœux les meilleurs à la publication de ce petit livre, avec l’espoir qu’aussi dans les diocèses de la Suisse l’on arrive à toujours mieux porter Dieu au centre de la vie ecclésiale et sociale.